Claude Faure
Le point départ est toujours un mot, un mot, puis un autre mot et, entre les deux, un coude qui plie pour faire sens. Le sens, cette idée incarnée dans l’articulation des mots, Claude Faure en a fait le laboratoire de son œuvre.
Entre ses mains, le langage prend une matérialité. Capturé en ses points critiques, ses points de tension, de contradiction, d’éclosion, et de démonstration, la langue devient un objet qui offre au regard et donc à l’esprit de nouvelles prises. Alors que la parole est par nature fuyante et constamment changeante, l’objet cristallise et désacralise. Manipuler un mot ou une idée devient un jeu. Mis à nu, les livres et les slogans sont désarmés, les pulsions se font pudiques, la communication et ses éléments de langage prêtent à sourire. Par de tout petits gestes, se trouvent désamorcées des situations inquiétantes, quand au contraire, d’autres prennent une ampleur insoupçonnée : le blouson noir perd de sa superbe, le nom d’un parfum se révèle pour ce qu’il contient.
Claude Faure soupèse les évidences, les choses établies, celles que l’on croit parfois de peu d’importance et qui rythment le flou de nos quotidiens. Son regard se pose avec prédilection sur les signes distinctifs du milieu culturel. Qu’est-ce que posséder une bibliothèque ? Et même lire, que faisons-nous en lisant, combien d’actes automatiques régissent cette activité avant-même qu’il nous soit permis de prendre connaissance de ce que nous lisons ? Par de simples, mais non moins essentiels questionnements, Claude Faure nous pousse jusqu’au bout des logiques qui nous semblent acquises.
Tout l’enjeu pour le regardeur est alors de savoir ce qu’il advient du sens quand il vous parvient par derrière, détourné de son lit, qu’on le surprend dans le miroir là où l’on ne s’attendait pas de le voir. Un rire, ou plutôt un sourire : pour Claude Faure révéler ce n’est pas dénoncer, au contraire, révéler c’est donner du temps.
Texte de Benoît Blanchard