Alain Sicard
La peinture d’Alain Sicard relève de ce réflexe enfantin qui consiste, tout en marchant, à laisser glisser sa main contre les murs, les portières de voitures, les grilles et les haies : une expérience autant qu’une appétence.
Depuis le début des années 90 Alain Sicard parcourt les surfaces d’huile ou d’acrylique. Il a le goût des matériaux, chaque support est soigneusement choisi, chaque format déterminé : pour lui, peindre c’est avant tout opérer des choix, connaître et accepter les caractéristiques de chaque moyen et de chaque ressource, délimiter un champ d’action et de contraintes, s’y livrer, car c’est seulement en pleine connaissance de cause que le geste peut advenir.
Ce geste, ou plutôt, ces gestes, foisonnent dans sa peinture. L’artiste laisse le pinceau se saisir du mouvement et lui donne un accent chaque fois renouvelé. Or, ce n’est pas une peinture sérielle, mais la peinture d’un jeu de jambes qui jamais ne se répète. La peinture explore le cadre établi, et de là puise son étonnant foisonnement. Elle est fluide et douce, nerveuse parfois, riche d’entrelacs, elle se répand et s’arrête brusquement, forme des précipices et se joue de l’image photographique et des détails qu’elle suggère plutôt qu’elle ne cite : ce sont des « morceaux » de peinture, des fulgurances de picturalité, mais dont, étrangement, l’artiste a ôté l’évidence. Tant et si bien qu’en passant devant une peinture d’Alain Sicard on en conserve une familiarité que l’on s’explique mal, comme un parfum, une fragrance mise à distance par la matérialité de l’œuvre presque sans chair, à croire que même en étant là elle se présente sous la forme d’un souvenir.
Une telle pratique n’est pas une fin en soi. Si la peinture se produit dans un continuum, n’en subsistent que certains affleurements : des moments rendus visibles par la sélection qu’opère l’artiste à posteriori. Ainsi, après avoir peint, il faut encore choisir — choisir, même au moment de jeter. Tous ces choix, ces prises de décision, Alain Sicard les prend en bibliophile de la peinture. D’où peut-être la sensation de fourmillement que l’on ressent devant son catalogue raisonné, celle-là que l’on connaît enfant en laissant passer ses doigts le long des murets en rentrant de l’école.