Bertrand Gadenne
Les projections de Bertrand Gadenne ont un sujet simple. Elles mettent en lumière une temporalité nocturne ; une obscurité propre aux salles de cinéma, celles du repos, de la quiétude et de l’inquiétude. Silencieuse, l’obscurité est pour l’artiste une page blanche où la forme va devenir la seule maîtresse de l’espace et du temps.
À partir de cette nuit, naturelle ou artificielle, Bertrand Gadenne éclaire des songes qui semblent littéralement ruisseler sur les murs. Les saisons y défilent comme dans un rêve, et chaque rêve se perçoit avec la clarté d’une idée qui passe, presque à portée de main, mais demeurant insaisissable.
Depuis plus de trente ans, la nature tient une place fondamentale dans son œuvre. S’y déploient des formes végétales et minérales, mais aussi et surtout des formes animales. Le bestiaire de l’artiste est constitué d’animaux volants, d’animaux rampants et en majesté, d’animaux aux yeux grands ouverts, de papillons, de rongeurs et de poissons dont la présence n’est ni menaçante ni séduisante, mais pleine. Elle ne se cache pas. Pour eux, l’artiste installe des face-à-face qui imposent un certain partage de l’espace, une chorégraphie des corps dans laquelle il n’y a ni observateur ni observé prédéterminé.
La précision des images, leur caractère particulièrement réaliste appuie la sensation de présence. Dans ce contexte, la symbolique attachée aux sujets que choisit Bertrand Gadenne démultiplie l’expérience. Rien n’est laissé au hasard. Au détour d’une rue, dans une vitrine de magasin ou dans un conteneur de marchandise, les métaphores, et les jeux d’échelle créent la surprise. Face à l’image d’un hibou ou celle d’un serpent, l’observateur commence par ralentir — l’absence de son accentue cette décélération — les figures happent l’attention, s’imposent sans la brusquer, pour qu’apparaisse pleinement la monumentalité de ces autres.
Texte de Benoît Blanchard