Bruno Gironcoli
Les sculptures de Bruno Gironcoli sont le résultat de combinaisons de formes organiques et technologiques : des figures sexuées, incidemment violentes et oppressives propres à la scène artistique autrichienne de la seconde moitié du xxe siècle.
Le travail de l’artiste a éclos dans le contexte de l’actionnisme viennois. Son œuvre en conservera l’expression viscérale d’une humanité contrainte et hystérisée jusqu’à ses extrêmes limites. Mais contrairement aux artistes de cette scène, Bruno Gironcoli concentre cette énergie pour lui donner une forme froide et silencieuse. Chez lui la forme ne se libère pas, elle est canalisée au travers d’archétypes puisés dans la nature qu’il transforme en les armant et les réprimant à la fois. Par ces transformations, les sculptures acquièrent une forme d’autonomie circulaire, proliférante et vertigineuse, mais toujours contenue.
Ces machines inquiétantes et fréquemment monumentales, ne donnent pas spontanément la clé de leur mécanisme, et encore moins la raison de celui-ci. Présence totémique à l’intersection du corps et de l’esprit, leur pouvoir joue tout autant à un niveau mental que physique, à la manière de névroses collectives qu’il nous appartiendrait de verbaliser en les regardant. Ainsi, leur faire face c’est s’offrir au miroir de processus intestinaux et nerveux que rien nous prépare à comprendre. Pour autant, on y trouve instinctivement des échos aux vibrations qui animent nos vies de tous les jours dans ce qu’elles ont de plus primordial, la poussée spiralée d’une flamme, l’arrondi du crâne d’un bébé, l’aérodynamisme du tic-tac d’une pendule, des étamines, un coup de coude et le souvenir d’une douleur au genou. Tout cela constitue des énigmes grandeur nature, des énigmes dans lesquelles on pénètre par la tête et par le ventre, des énigmes qui se greffent à nos habitudes et à nos courbures. Elles constituent une Œuvre dont le magnétisme résonne profondément avec les cycles de la vie.
Texte de Benoît Blanchard