Burkard Blümlein
L’œuvre de Burkard Blümlein est discrète. Sans un bruit, elle fait signe, comme un étourdissement, survenant en ouvrant le regard sur un objet auquel on se croit accoutumé, et qui se révèle plus vaste, plus fragile, plus éloquent.
Les objets que Burkard Blümlein manipule agissent à la manière d’une ponctuation dans l’environnement qui les accueille. Coquille de noix reconstituée, tasse en porcelaine de Meissen carbonisée lors d’un bombardement, verre gravé ou soufflé, simples galets et pelote de ficelle donnent une lisibilité au monde. L’artiste les insère parmi tout ce qui fait la banalité de nos quotidiens, créant avec nos habitudes et nos attendus un léger décalage : une conversation.
Parmi ces objets, certains ont été modifiés avant de prendre place dans les pièces de l’artiste. Un creux siphonne le plan d’une table, un madrier accuse les coups répétés d’une scie, des tessons, collés les uns aux autres, prennent et perdent forme au gré des aléas de l’existence, des empreintes digitales ont été pérennisées, des couvertures raccommodées. Traces et brisures ont une importance toute particulière dans la façon dont les objets engagent une conversation. Elles sont les marques d’un temps qui hésite entre le fait de passer et de persister. Interrompue par le geste de l’artiste, la disparition permet de faire apparaître l’engrenage de la répétition. Le dialogue travaille cette temporalité en écartant la fatalité autant qu’elle déjoue les évidences. Le nombre de participants aux conversations varie, mais le travail de Burkard Blümlein n’est pas un appel à l’accumulation ; tout au contraire, l’artiste s’évertue à faire parler les objets qui sont déjà là. Objets trouvés, objets fabriqués, objets rencontrés, transformés et déplacés sont pleinement engagés avec les contextes où ils sont montrés.
Le langage est celui de l’analogie formelle, mais il prend forme dans une grammaire in situ, car l’œuvre est affaire de justesse : elle donne à entendre un monde plus léger, un monde défait des silences qui l’encombrent.
Texte de Benoît Blanchard