Laurent Sébès
Laurent Sébès le revendique, son travail est baroque. Un baroque dont l’amplitude va de la sculpture à l’objet et de l’objet au dessin, de la couleur à la sculpture et réciproquement. Ainsi se construit une vaste cosmogonie rieuse, faite de grand-voiles, de bourrasques et d’apparitions féminines, puisant ses sources dans la littérature antique et classique et donne à l’œuvre de Laurent Sébès quelque-chose de Arcadien.
C’est l’instinct de la forme qui guide son travail. Un instinct de la déambulation qu’il applique au regard toujours amusé de découvrir la richesse des détails de ses réalisations. Ici, un groupe de danseuses sautillent et dans leur ronde apparaît un vase, là c’est un tronc évidé qui se fait tasse, théière, pot. Il y a en permanence passage entre les uns et les autres, et ce, même quand l’artiste décide de créer une chaise ou une console.
Ainsi, à la truculence des figures allégoriques et des formes végétales répond la fonctionnalité du design. Il n’y a là aucune contradiction : c’est en tant que sculpteur que Laurent Sébès crée des objets. La sculpture est porteuse de fonction, sans que cela ne soit une fin en soi. Les vases accueillent les floraisons par pudeur et bienveillance envers le lieu où ils sont présentés, mais ils peuvent tout aussi bien se dévoiler nus. En cela, le travail de l’artiste est fondamentalement un travail de la métamorphose. La générosité du geste baroque entraîne de l’œil, elle l’incite à une promenade visuelle où l’ornement est un rythme que l’on peut suivre à sa guise.
Par le design Laurent Sébès introduit une autre dimension dans la fréquentation de ses œuvres, une dimension tactile. La liberté formelle, si elle est essentielle pour lui, n’exclut pas une maîtrise parfaite des matériaux, thermoformage, moulage et émaillage, luminaire ; cette maîtrise autorise un emploi à son travail qu’elle ne pourrait se permettre si elle n’était faite que d’objets à contempler — ceux-ci sont aussi à manipuler, autrement dit : à vivre.
Texte de Benoît Blanchard