Marine Pagès
Ligne et équilibre portent le travail de Marine Pagès. L’une et l’autre jouent de la profondeur du papier comme le soleil joue de la profondeur de l’épiderme : un espace propre aux insolations que zèbrent la lumière et les ombres portées.
L’histoire du dessin chez Marine Pagès est celle d’un faux trompe-l’œil. Quelque chose est en marche, on croit déceler une mécanique, mais celle-ci est à l’arrêt, en suspens. L’artiste compose ses dessins comme l’on monte un échafaudage, à la différence que ceux-ci ne sont jamais les mêmes et que l’architecture à laquelle ils s’accrochent est invisible. Le dessin ne fait que la suggérer, émettre son hypothèse, elle n’apparaît qu’à la manière d’une utopie, mais une utopie sans forme ni contour, une utopie à rebours d’elle-même, qui s’efface derrière la structure éphémère, finalement reste seule, tangible dans l’espace de la feuille de dessin.
Si le dessin ne fait pas édifice, il se doit tout de même de tenir — ce qui s’avère parfois impossible. Reste cependant la recherche de la légèreté — cet inachevable travail de l’esprit qui remplit la feuille blanche du départ. Ainsi, pour celui qui l’observe, ce travail est tout à la fois fait d’équilibres, de soupçons et de certitudes, de souffles retenus et de grands précipices adossés à des murs de crépi brûlés par le soleil. Cela joue à peu de chose, le dessin se doit tenir à partir des quatre bords de la feuille. L’espace du quadrilatère étant le cadre où se réalise le travail d’agencement, il faut trouver l’espace, la profondeur rampante pour y construire le dessin. C’est à cet effet que l’artiste imprègne de couleurs ses papiers blancs. Lavis, jus d’encre, jus de café… crayons de couleur, le travail du fond donne un corps long et fluide au support où elle conçoit ses structures. Dans cette esthétique très marquée par l’architecture, la couleur donne au dessin une épaisseur. Ce petit détail qui permet de le prendre dans ses mains, qui le rend pleinement matériel.
Texte de Benoît Blanchard