Olivier Passieux
Au début des années 2000 la peinture d’Olivier Passieux répandait ses fluides à la manière de la circulation des corps et de la lumière dans un flipper ; les couleurs, acides, parfois sales, toujours franches, étaient déversées avec plus ou moins de vitesse dans des images qui, tels des flash, se donnaient pour faire sursauter.
Dans ses tableaux récents, la rigidité de l’intention s’est affaissée. La mécanique de la peinture a pris le dessus ; les effets tombent, le peintre laisse la main, il y a moins de contrôle, un relachement qui laisse cours à une forme d’altérité nouvelle. Ce que donnent à voir ces tableaux est tout autant leur sujet que le cheminement depuis l’intuition première : la temporalité du tableau avec ses ritournelles et ses erreurs, ses chemins de traverse, son aboutissement, ses renoncements.
Ainsi, les tableaux donnent le sentiment d’une trouvaille, brute et encore parcourue de scories, souvent pleine d’humour, parfois un peu bègue, où s’exposent sans pudeur les sillons de la pensée. À leur surface, un geste amène un événement, la peinture se répand, semble complaisamment s’être renversée, elle se met à siffloter. Il y est question de notre monde. Non pas d’un point de vue métaphysique, mais comme l’observation de nos façons d’agir, que ce soit au sein d’une entreprise ou de la manière dont nous recouvrons nos réfrigérateurs de magnets.
Dans cette exploration sociale, Olivier Passieux utilise tout autant le dessin que la peinture, et plus récemment la sculpture dont le champs d’expérimentation bouscule la maîtrise du pinceau et du crayon. C’est presque un travail d’enquête. L’œuvre est le terrain d’enchaînements en cascade, d’hypothèses et de digressions, qu’en tant qu’observateur chacun peut prendre plaisir à parcourir. Pour autant, cette enquête ne revêt pas tous les habits du sérieux : il y a de la désinvolture dans l’attitude du peintre, une forme de sprezzatura qui dévoile bien qu’il ne s’agit pas non plus d’un jeu.
Texte de Benoît Blanchard