Rachel Lumsden
La peinture de Rachel Lumsden est une peinture qui semble avoir été rêvée. Elle figure des images propres à ces espaces dont on ne retient rien et qui, pourtant, semblent par chacun de leurs détails poser une empreinte sur vous. Ce sont des tableaux qui questionnent doucement à l’oreille, suggèrent mais n’en disent jamais suffisamment pour en avoir le cœur net. À chaque fois l’artiste suspend son geste juste à temps pour ne pas trop livrer.
Ainsi, cette peinture est amorce, amorces à des histoires que Rachel Lumsden ne dévoile pas, mais dont elle pose par de grands gestes vagues les lignes directrices. À partir de celles-ci, chacun est libre de cheminer. Ce sont des scènes à la fois communes et particulières, des scènes que l’on a déjà rencontrées et dont on ne sait plus rien, des scènes qui lèvent le voile sur l’immensité de l’oubli qui nous occupe. À les observer on croit qu’elles veulent nous faire parler.
Dans ces tableaux les formes coulent ; ici l’onirisme semble provenir d’un voyage, là le cadrage dit l’amateurisme d’une photographie ; les couleurs ont passées et, devenues infidèles, nous encouragent à les deviner ; mais, les albums photos ne se ressemblent-ils pas tous ? Ne sont-ils pas tous chargés des mêmes archétypes du regard ? La peinture de Rachel Lumsden se situe en plein dans ce trouble, entre le désir de remémoration et le doute quant à la nature de ce que l’on va trouver. Car tout cela ne pourrait fort bien n’être que fiction, une peinture en pâte à modeler pour esprits prêts à croire. On croise beaucoup d’animaux, parfois ils semblent flotter, naviguer sans raison dans des espaces de liberté qu’eux seuls parviennent à pleinement appréhender. Là où nous doutons, l’artiste fait d’eux la marque d’une vie tangible.
Rachel Lumsden ne force jamais le trait de la narration. Ce n’est pas pour rien que l’on y voit rarement de visage. Ceux-ci, masqués, floutés ou tout simplement tournés, appartiennent au regardeur : à lui seul de savoir qui il dévisage.
Texte de Benoît Blanchard