Renée Levi
La peinture de Renée Levi est faite de fulgurance, de vivacité. Les gestes y sont simples et francs, souvent répétés, mais sans que rien n’indique la moindre volonté de les voir se ressembler : ils sont libres.
À cette indépendance gestuelle répond une couleur encore plus vivante, une couleur qui ne se soucie guère de créer une organisation, mais qui semble avoir été jetée « à la figure du public ».
Pour autant, ces libertés ne sont pas gratuites, du moins, pas totalement. Elles ne sont pas non plus pure provocation, et encore moins décoratives. Le plaisir du geste est le vecteur d’une triple réaction entre la peinture, l’espace qui l’accueille et l’observateur. Chez Renée Levi, la liberté est presque toujours mise au service de l’appréhension d’un contexte : au service d’un espace qui peut tout à la fois être architectural, social ou culturel, et dans lequel la peinture vient conjurer la tendance à l’accoutumance et au lissage vers laquelle s’achemine l’esprit s’il n’est pas sollicité.
À la rudesse de son apostrophe répond le pétillant de son vocabulaire. Tout en elle prolifère joyeusement, se fait évidence. Un jaune vous électrise, un tourbillon magenta gifle votre chapeau en rebondissant vivement sur les bordures du tableau, de grande masses brunes se lèvent telle une coulée de boue. Ainsi, la couleur et les formes forcent le regard, elles le détournent de ses habitudes et l’amènent à une plus vive considération du lieu qu’il occupe.
Nul lieu est neutre semble dire la peinture de Renée Levi : nul lieu n’est muet si l’on y prend la parole. C’est ce que fait cette peinture dont l’optimisme décomplexé se présente sans fard, comme si tout allait de soi dans l’expression de sa présence. Les dispositifs dont use l’artiste, toiles enchâssées, parfois superposées, petits et très grands papiers, fresques, panneaux et parois, peinture au spray, au rouleau ou au pinceau, énoncent à chaque fois un « ici et maintenant » de la peinture.
Texte de Benoît Blanchard